La typographie d'un site n'est pas juste une question d'esthétique : c'est l'interface primaire entre votre message et la personne qui le lit. J'accorde beaucoup d'attention à ce que chaque mot soit lisible, respirant et adapté au contexte. Voici des conseils concrets, pratiques et testés au fil de projets, pour améliorer la lisibilité de vos interfaces grâce à une typographie web optimisée.
Commencez par la hiérarchie visuelle
Avant de choisir des tailles et des polices, je définis la hiérarchie : qu'est-ce qui doit attirer l'œil, qu'est-ce qui sert d'appui, et qu'est-ce qui est secondaire ? Une hiérarchie claire aide les utilisateurs à scanner rapidement la page.
- Titres — plus contrastés, plus grands, éventuellement avec une graisse plus forte.
- Sous-titres — taille intermédiaire, souvent avec plus d'interlignage.
- Corps de texte — priorité à la lisibilité sur longues lectures.
- Micro-texte / légendes — petite taille mais suffisamment espacée et contrastée.
Taille, interligne et longueur de ligne : les bases à respecter
Je suis très vigilant·e sur ces trois paramètres qui influencent directement la fatigue de lecture :
- Taille : pour le corps, je commence en général à 16px sur desktop comme valeur de référence, puis j'adapte selon la police choisie ( certaines polices paraissent plus grandes à taille identique ).
- Interligne (line-height) : 1.4–1.6 pour le corps est un bon point de départ. Plus court pour les titres (1.1–1.3), plus long pour le texte dense.
- Longueur de ligne : visez 45–75 caractères par ligne (moyenne idéale ≈ 66). Au-delà, la lecture devient fatigante ; en dessous, le flux est haché.
Responsive & fluide : adapter la typographie aux écrans
Les medias queries classiques sont utiles, mais depuis que je travaille avec clamp(), j'obtiens des résultats plus fluides et élégants :
Exemple CSS simple :
font-size: clamp(1rem, 1rem + 1vw, 1.25rem);
Cela permet à la taille de varier en douceur entre les points définis, tout en gardant des bornes pour l'accessibilité. Pour les titres, j'utilise souvent des échelles typographiques modulaires (scale 1.2–1.25) combinées à clamp().
Choisir la bonne police : lisibilité avant tout
La famille de police change tout. Voici mes règles pratiques :
- Privilégier une police optimisée pour l’écran (Inter, Roboto, Noto, Source Sans, system-ui pour les interfaces). Les polices serif peuvent fonctionner très bien pour le long format si elles sont conçues pour le web (ex. Merriweather).
- Limiter le nombre de familles : 1 pour le corps, 1 pour les titres maximum généralement. Trop de familles créent de la confusion visuelle.
- Utiliser des variable fonts pour réduire les requêtes et bénéficier d'un contrôle des graisses, de l'optical size et du contraste (Roboto Flex, Inter variable, Source Serif Variable).
Chargement de polices et performance
Une belle police qui s'affiche tard peut nuire à l'expérience : FOUT/FOIT. Voici mes bonnes pratiques :
- Utiliser font-display: swap pour éviter le blocage de rendu.
- Précharger les fichiers critiques avec <link rel="preload" as="font" crossorigin> pour les polices essentielles.
- Préférer les variable fonts (un seul fichier couvrant plusieurs graisses) pour réduire le poids.
- Si la performance est cruciale, envisager une pile de polices système (system-ui, -apple-system, "Segoe UI", Roboto, etc.) pour éliminer les téléchargements.
Contraste et couleurs : l'accessibilité avant l'esthétique
Je teste systématiquement mes combinaisons contre les critères WCAG. Quelques repères :
- Pour le texte normal, viser un ratio de contraste d'au moins 4.5:1 (WCAG AA).
- Pour le texte large (≥18pt régulier ou ≥14pt gras), 3:1 peut être acceptable.
- Tester les états interactifs (liens, boutons, placeholders) — souvent oubliés dans les vérifications initiales.
Outils que j'utilise : WebAIM Contrast Checker, l'outil d'accessibilité de Chrome, et les audits Lighthouse intégrés dans DevTools.
Espacement, tracking et ligatures
De petits ajustements font une grande différence :
- Letter-spacing : un très léger tracking (.01em–.03em) peut améliorer la lisibilité pour des tailles grandes ou titrées; inversement, pour le micro-texte j'indique souvent -0.01em selon la police.
- Hyphenation : activez l'hyphénation CSS (hyphens: auto;) pour les textes justifiés ou sur des colonnes étroites, en vous assurant des interruptions correctes selon la langue.
- Ligatures : utiles pour l'esthétique, mais si elles gênent la lisibilité (ex. dans les titres serrés), on peut les désactiver via font-variant-ligatures: none;.
Gérer l’alignement et la justification
Le texte aligné à gauche (ou à droite pour les langues RTL) reste le plus lisible sur écran. La justification peut créer des rivières d'espace gênantes ; si vous l'utilisez, ajustez le word-spacing et activez l'hyphenation.
Hiérarchie mobile : repenser l'espace
Sur mobile, l'espace est compté. Voici ce que j'applique systématiquement :
- Augmenter le line-height légèrement pour le confort tactile (1.5 pour le corps si le texte est long).
- Prioriser la taille de police plutôt que la densité ; mieux vaut texte lisible que plus d'informations illisibles.
- Réduire la complexité typographique : un seul weight pour le texte courant, éviter les kerning extrêmes.
Tableau récapitulatif : tailles recommandées (guidelines)
| Élément | Taille (desktop) | Line-height |
|---|---|---|
| Corps de texte | 16px–18px | 1.4–1.6 |
| Titre h1 | 32px–48px (selon importance) | 1.1–1.3 |
| Sous-titre | 20px–28px | 1.2–1.4 |
| Micro-texte | 12px–14px | 1.2–1.4 |
Tester, itérer, mesurer
Je ne me fie pas uniquement à l'intuition : j'effectue des tests utilisateurs rapides et j'analyse les métriques de lecture (scrolldepth, taux de rebond sur articles longs). Des A/B tests sur la police, l'interligne ou la largeur de bloc peuvent révéler des différences substantielles sur le temps de lecture et la compréhension.
Outils et ressources pratiques
- Google Fonts & Google Fonts Knowledge pour choisir et tester des familles.
- Variable Font Playground (Axis Praxis, VFShoshin) pour explorer les possibilités des fonts variables.
- Contrast Checkers (WebAIM, Accessible-Color-Palettes).
- Lighthouse et DevTools pour mesurer les performances liées aux webfonts.
Enfin, je rappelle que la typographie est autant technique que sensible : elle doit servir le contenu. Mon dernier conseil pratique est d'itérer sur des pages réelles — pas seulement sur des maquettes — et d'observer comment les vraies personnes lisent et interagissent. C'est dans cette boucle de test/ajustement que la lisibilité passe de “correcte” à “agréable et efficace”.